Crise financière vécue par une TPE...

Pour ceux qui n'ont pas suivi l'histoire depuis l'automne, nous sommes en crise financière...
Eric nous a dégoté une petite explication théorique que je vous invite à consulter ci-dessous (désolé, c'est en anglais)

The Crisis of Credit Visualized from Jonathan Jarvis on Vimeo.

Vu du coté d'une PME de service à la personne, à activité fortement saisonnière, voilà comment ça se passe jusqu'à présent :
- Fin 2007 : le taux variable de l'emprunt de la société à la banque est devenu supérieur à la rémunération du placement fait auprès de la dite banque. Je décide de réaliser le placement pour rembourser l'emprunt par anticipation (150 000 € environ). Ma cotation en tant que client descend puisque j'ai moins d'encours... mais je n'ai plus non plus de dette.
- Printemps 2008 : Cambriolage sans effraction : on me vole deux ordinateurs dédiés principalement à la gestion. Modification des procédures d'encaissement pour continuer l'activité avec l'ancien système. Comme le vol a eu lieu sans effraction, et que la police me signale qu'il a du être fait par un membre du personnel, l'assurance ne rembourse pas.
Licenciement et embauche de responsable, léger changement de style pour se rapprocher de la demande des clients, CA en hause en comparaison mois par mois, mais augmentation des tarifs fournisseurs avec qui je suis lié jusqu'à la fin de l'année.
- Eté 2008 : optimisme, beaucoup d'activité, CA en hausse de 20%, les salariés négocient à juste titre une augmentation du salaire horaire, accordée. Forte augmentation de la masse salariale, diminution des exonérations de charges sociales. Nombreuses erreurs d'encaissement.
- 15 septembre 2008, faillite de Lehman Brothers, reprise de Merril Lynch, etc...
- Courant septembre 2008 : l'activité reste soutenue, décision de se séparer des collaborateurs saisonniers étant donné la prévision de baisse de chiffre d'affaire d'ici la fin de l'année. Notons que la crise qui démarre était largement prévisible depuis l'été 2008 au moins pour le secteur boursier.
- Octobre-novembre 2008 : recherche de nouveaux fournisseurs moins couteux que les actuels (ils avaient augmenté leurs prix sous prétexte de hausse du pétrole, mais ne les ont pas baissé quand le pétrole a chuté), décision de se séparer des collaborateurs permanents dont le poste est redondant.
Modification des procédures d'encaissement de manière à trouver qui fait ces erreurs. Du fait de la mise en place des nouvelles procédures (saucissonnage de la journée), le nombre d'ereurs non corrigées diminue...
- décembre 2008 : short-list de nouveaux fournisseurs pour la saison 2009, départ des collaborateurs (fin de préavis), premières difficultés de trésorerie : la banque réduit le découvert de fonctionnement à 10 000 Euros ponctuellement, avec obligation de passer par la case "créditeur" au moins une fois dans le mois.
Notons au passage que ma banque a fait 7,4G$ de dépréciation d'actif et a levé 17,8G$ au 15/9 d'après Bloomberg. Pas de problème de confiance a priori...
Mise en place d'un cahier de liaison entre les responsables. Début de rédaction des procédures internes (conduite à tenir, prévention des accidents du travail)
- janvier 2009 : Règlement des charges sociales à l'URSSAF, au GARP, aux caisses de retraites, etc. Les montants sont plus élevés que prévu six mois auparavant étant donné les départs de collaborateurs (soldes de tous comptes comprenant le règlement des indemnités conventionnelles et des congés payés). La banque tousse très fort quand elle voit passer les virements... Anecdote : il avait été annoncé par je ne sais plus quel personnage politique bonimenteur que pour soutenir les PME, le règlement des charges sociales pourraient être étalées, j'ai donc envoyé deux chèques au GARP en leur demandant par écrit de décaler un des deux encaissements ou de me prévenir si ce n'est pas possible (par téléphone, courrier, mail, pigeaon voyageur, tam-tam, bouche à oreille ou autre moyen de communication adapté à leur fonctionnement). Pas de nouvelle, les deux chèques sont bien mis à l'encaissement de manière décalée... avec deux jours d'écart !
Changement de fournisseur principal avec une diminution des 25% du prix d'achat. L'ancien fournisseur, que je payais à 60j, me demande de solder ma position. Négociation en cours car il m'avait confirmé son accord pour 60j fin de mois début janvier...
- février 2009 : fin des licenciement, modification des emplois du temps de manière à supprimer les heures suplémentaires de certains en augmentant les temps partiels des autres (quand il n'y a pas beaucoup de confiture, on l'étale sur toutes les tartines). Investissement dans un nouveau système de gestion, formation des utilisateurs. La banque m'impose zéro découverts étant donné, je cite, "que mon encours bancaire est trop faible chez eux et qu'il y a trop de dépenses par rapport aux recettes ces dernières semaines". Notons que mon encours bancaire a diminué fortement depuis 2007 (remboursement d'emprunt) et que l'augmentation des dépenses réalisées ces dernier mois portent principalement sur les frais liés aux licenciements et à de l'investissement, donc sont contextuelles et non récurrentes. Je mobilise des fonds personnels pour combler le découvert, et la même banque perd (oui, perd !) un chèque de 10 000 € !
L'activité reprend doucement ; CA en légère hausse, forte augmentation du nombre de clients mais diminution du ticket moyen. Nous sommes implantés dans un quartier populaire, et ce sont les "petites gens" qui trinquent en ce moment.
Prospective sur les mois qui viennent : démarrage de nouvelles offres le samedi après-midi (jam session), test de wii pour le dimanche après-midi. Le mois d'avril devrait être difficile à passer (règlement des charges sociales sur le premier trimestre), puis, du fait du retour naturel des beaux jours, nous devrions pouvoir faire un bel été. Hausse du chiffre d'affaire, GJ3L4976 Christine Lagardediminution des prix d'achat, augmentation de la masse salariale et des cotisation sociales, l'équilibre sera délicat à maintenir.

J'ai ouvert un autre compte dans une autre banque... mais elle ne me fait pas encore de crédit.

Je ne crois plus au père Noël ni aux promesses de Saint-Nicolas...

Le GARP me doit l'équivalent d'un salaire à temps plein en remboursement de cotisations (prime à l'emploi). Le Pôle Emploi me doit quatre ans de remboursement de cotisation (contrat aidé signé avec l'ANPE). Le Fisc me doit quelques dizaines de milliers d'Euros de TVA jamais remboursée ni compensée. En fait ce sont les organismes d'état qui plombent ma trésorerie.... Donc rien de nouveau sous le soleil en Sarkozie, et merci Madame Lagarde...

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Crédits illustrations : Boursorama, Zonebourse, FVZ

3 commentaires:

FrédéricLN a dit…

Excellent debriefing, très instructif, pas très encourageant pour les créateurs d'entreprise et autres clients des banques...

alexis a dit…

Ca fait peur...

François a dit…

@FredericLN : Merci pour le compliment ! Oui, en effet, ce n'est pas très encourageant pour les "petits". Je réfléchis à une "lettre ouverte au père Noël de la part d'une TPE" pour ce qui me semble efficace en terme de préservation d'emplois et de survi pour les entreprises (on est bien loin du profit, en fait).
@Alexis : oui, surtout que ça n'est pas terminé... je pense atteindre le point bas en avril, rebond par la suite.

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