De la confusion entre « cynisme » et « pragmatisme » et ses conséquences pour le lambda

Il y a quelques années, mon activité professionnelle était principalement centrée sur la « pragma » et la nécessaire mise en lumière qui devait l'accompagner. Ce « pragmatisme » assumé consistait principalement à marier la théorie avec la réalité de manière à obtenir une pratique viable et efficace. Ceci s'appliquant à de multiples domaines d'activité, commerciaux ou non. Comme ce n'était pas très porteur en termes commerciaux (j'avais à l'époque une petite société de conseil) on appelait ça « coaching managérial », « assurance qualité », « assistance à la maîtrise d'ouvrage », ou « accompagnement à la conduite du changement », voir du néologisme « form'action ».

Aujourd'hui, je ne reconnais plus cette définition du pragmatisme dans l'usage qui en est fait par certain(e)(s) personnages publiques : sous couvert de pragmatisme, je vois du cynisme, une manière de faire passer son égo(t)isme pour une nécessité à assumer par... les autres.

J'étais à Genève lors les négociations portant sur le «pacte de Genève » en 2003. Pour raisons familiales, pas pour y participer, je ne suis pas assez important ni impliqué dans la résolution de ce drame. Il n'y avait pas beaucoup de forces de l'ordre pour assurer la sécurité de cette réunion de « bonnes volontés » qui a pourtant accouché d'une remarquable série de propositions, justement assez pragmatiques. Or que constate t'on aujourd'hui ? Cette proposition, basée sur une théorie relativement tolérante de cohabitation, détaillant de manière assez pratique les points d'achoppement et les moyens de les résoudre ou de les contourner, n'a justement pas été appliquée au nom du ... « pragmatisme ». Moi, je dirais plutôt au nom du cynisme et de la volonté de puissance (au sens quasi-psycho-pathologique) de certains de tous les bords impliqués. Dommage pour les gazaouis, qui meurent. Dommage pour Tsahal, qui se salie. Dommage pour les israéliens, qui s'enferment encore une fois dans la peur de l'autre et le danger réel que le ciel leur tombe sur la tête.

On peut choisir d'être cynique, ce fut même la posture préférée de certains dirigeants politiques : souvenons nous de certaines petites phrases comme « les promesses n'engagent que ceux qui y croient », « les français sont des veaux », « il faut moraliser le capitalisme financier », « revalorisons le capital travail » et autres. Mais appeler cela du pragmatisme, non ! Ce n'est justement qu'une posture cynique, et nous devons dépenser une certaine énergie pour nous défendre de ces affirmations et retrouver le sens et la valeur des choses, au moins dans leur contexte.

Prenons pour exemple la crise financière actuelle :
Consubséquemment à l'abandon de l'étalon-or pour les monnaies et donc la création d'un marché financier, les banques ont, au moins en France si j'ai bien compris, été dénationalisées. C'est à dire que l'état, puissance publique garante du patrimoine collectif, a décidé de faire payer ce qui était à eux collectivement à des investisseurs pour qu'il en aient la propriété partielle mais néanmoins indivisible. Première entourloupe, pardon, geste « pragmatique » : vendre à quelqu'un ce qu'il possède déjà, et en plus lui vendre cher. Puis arrive une crise financière. Pas étonnant, puisque ces banques et établissements financiers ont en fait fabriqué de la monnaie scripturale sans que cette monnaie ne soit gagée dans le monde réel. On applaudit des deux mains, les banques délivrent des dividendes pendant quelque temps à leurs petits actionnaires. Seconde bulle spéculative : comme elles distribuent des dividendes (en s'appauvrissant, voir par exemple l'évolution du ratio de couverture des dépôts de la BNP), leur cours boursier s'envolent, leur valeur scripturale augmente.
Arrive un problème : crise de confiance, les banques ne se prêtent plus en elles. Notons au passage que cette manoeuvre qui consiste à emprunter pour prêter sans au passage créer de richesse réelle serait totalement impossible à un particulier, c'est... une escroquerie il me semble. Passons, nous sommes dans le marigot de la Haute Finance Internationale. Arrive donc cette crise. Les banques, privées quoique « de dépôt » appellent à l'aide l'Etat, elles ont besoin d'argent, et prennent en otage le système monétaire dans son ensemble (alors qu'elles devraient le servir, en fait elles s'en servent, voir s'y servent). Que faisons-nous alors ? Nous leur donnons de l'argent. Sans garantie, avec juste un taux d'intérêt (8% par an crois-je me souvenir). Au lieu de les racheter, puisque leur valeur scripturale s'effondre, ce qui est la règle logique en contexte privé. On va donc les payer une quatrième fois, pour qu'elles puissent... distribuer des dividendes dont nous ne profiterons qu'à travers l'impôt sur le revenue des personnes physiques non protégées par le bouclier fiscal. Et que va t'il se passer dans un avenir proche : rien, les bénéficiaires de la manne étatique vont augmenter leurs frais re-facturables de manière à servir le taux d'intérêt et vont continuer à faire perdurer la bulle financière. Qu'aurions nous du faire, à mon humble avis qui n'engage que moi ? Notons qu'on peut toujours le faire, à l'occasion du prochain soubresaut par exemple... Doter le fameux (fumeux ?) fonds souverain français des sommes distribuées et lui faire prendre des participations significatives dans les établissements en difficulté temporaire ou contextuelles, tout en laissant ceux qui sont en difficulté permanentes ou structurelles (ceux qui ne tenaient que grâce à la cavalerie évoquée plus haut par exemple) tomber dans les affres de l'oubli. En récupérant au passage certaines primes, dividendes ou parachutes dorés.
Mais ça n'a pas été fait ainsi, ce « pragmatisme » est sans doute trop « pragmatique »...
meilleur site Nethique.info
Annuaire du Hub PageRank Actuel Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.